Trois Marseillais Plein d'Avenir. Partie 8/10 : Toci, le Mat, le Belge... Marseille 80's
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Marseille Interdite, histoire du Quartier Réservé
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Trois Marseillais plein d'avenir
Chapitre 8 : Toci, le Mat, le Belge... Marseille 80's
Avec la mort de Zampa en août 1984 c'est un monument du Milieu marseillais qui disparaît, un très grand voyou lui-même fils de bandit, solidement réputé dès ses 20 ans et ayant traversé les décennies 50, 60 et 70 avec brio, jusqu'à atteindre le sommet de sa carrière avec l'ouverture de sa discothèque géante le Krypton à Aix-en-Provence en 1980, et qui connaîtra sa chute peu de temps après.
Mais bien que Zampa soit mort son clan, lui, est bien décidé à reprendre la main, malgré que la guerre des gangs contre Jacky le Mat et les siens en ai lourdement clairsemé les rangs. Une nouvelle équipe prend alors le relais pour gérer l'empire en perdition, articulée cette fois autour de son demi-frère Jeannot Toci en cavale depuis 83, véritable meneur d'homme, intransigeant et autoritaire, digne héritier de son grand frère né quatre mois avant lui du même père mais de mère différente. A ses côtés pour le seconder on retrouve Gérard Vigier dit Gégé, aussi courageux qu'intelligent, sans doute le meilleur ami de Tany après l'assassinat de Gaby Regazzi, devenu comme un deuxième frère pour Toci en ces années difficiles, propriétaire de plusieurs boîtes en banlieue parisienne et sur la Côte d'Azur, ainsi que d'une société de jeux basée à Saint-Ouen à partir de laquelle il place ses machines à sous dans les cafés et bistrots de tous les départements de la petite couronne. Jean-Marie "Nono" Lucchesi est aussi de la partie aux côtés de ses deux amis, lui qui se trouve dans le sillon du clan depuis le début des années 70, avec une myriade de nouvelles gâchettes triées sur le volet pour les seconder, tous âgés de 30 à 40 ans : Jean-Paul Di Noia, gendre de Toci, et son frère Denis, Charley Lecouls dit Charly la Gâchette, un pied-noir implanté dans le Vaucluse, Alain Paparella, du Vaucluse lui aussi, Serge Martin, Sauveur Manzo, Nicolas Nissirio, Robert Dubois, Alain Matteo ou encore Raphaël Raposo dit Ralph, connu pour avoir été condamné en 1974 dans une vaste affaire d'héroïne impliquant notamment l'un des plus gros trafiquants de la French Connection, Jean-Baptiste Croce, ainsi que Barthélémy Regazzi, aîné de la célèbre fratrie décimée dans la guerre des gangs entre Tany Zampa et Jacky le Mat.
L'équipe commence par récupérer une partie des boîtes de nuit de la galaxie Zampa et les protège hargneusement contre les rapaces qui tournent autour, mais bute sur le Krypton, le navire-amiral de l'empire : fermé administrativement depuis le procès de 1983, Toci and Co vont approcher un avocat marron, Alain Verbyst, pour tenter de faire rouvrir la discothèque dans laquelle ils avaient investit tant d'argent. Mais l'avocat échoue, et échappe de justesse à une tentative de meurtre dans les jours qui suivent. Echec également dans la tentative de récupérer les billets placés quelques années auparavant dans les casinos de la côte, et tout particulièrement au Rhul de Nice, ce qui aura le don d'agacer très sérieusement Jeannot Toci, comme on le verra plus bas.
Mais malgré ces revers l'équipe ne lâche rien et continue de s'activer à fond dans les affaires, le contrôle des bars et des boîtes de nuit bien sûr mais aussi les stups et les braquages, et surtout dans les machines à sous clandestines qu'elle place un peu partout dans les cafés du sud-est et tout particulièrement dans les villes industrielles du pourtour de l'Etang-de-Berre, leur chasse gardée et l'une des zones les plus lucratives des Bouches-du-Rhône en la matière, mais aussi dans le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence, où elle a de nombreux relais. On parle alors de près de 500 "bingos" gérés par l'équipe, ce qui en fait sans doute la plus active de la région marseillaise.
Le Belge en liberté, le Mat en embuscade
Monsieur Vanverberghe aka Francis le Belge sort lui de prison le 29 juin 1984, âgé de 38 ans, après onze années passées derrière les barreaux pour sa participation à un important trafic international d'héroïne, et peut ainsi fêter comme il se doit la mort de son ennemie juré Tany Zampa qui se suicide aux Baumettes un mois plus tard.
A la sortie de la centrale de Poissy c'est son vieil ami Antoine Cossu alias Tony l'Anguille qui vient le chercher, lui qui avait lancé Francis dans les braquages dès le milieu des années 60, devenant son beau-frère en 1976 en se mettant en concubinage avec sa sœur Simone, elle aussi véritable "voyoute" à la mentalité inébranlable selon ses proches. D'autres fidèles sont à ses cotés pour accueillir Francis ce jour-là, notamment son petit frère Joseph-Séraphin Vanverberghe dit José, pas 100% voyou mais jamais très loin du grand banditisme, et notamment connu des services de police pour sa participation à un braquage durant lequel un policer avait été blessé en juin 1969 avec Michel Hadjilouloudès dit Mickey le Grec, un autre petit gars de la Belle-de-Mai membre de la première mouvance qui s'était formée à l'époque dans le quartier autour de Francis le Belge, Tony l'Anguille, Jeannot Cigare et leurs amis. De l'eau a décidément bien coulé sous les ponts depuis ces tendres années.
Aux côtés de Cossu, dont il s'est étroitement rapproché, José Vanverberghe se serait aussi activé à fond dans les braquos pendant l'incarcération de son frère Francis, tapant avec des grands noms du Milieu hexagonal parmi lesquels les Lyonnais Monmon Vidal et Jacques Grangeon, le futur meneur de la "Dream Team" Michel Crutel alias le Militaire, le Manosquin Christian Oraison, le Niçois Jacques Sordi, le Marseillais Laurent Boglietti ou encore le "Gang des Alpes" de Daniel Areno et des frères Saccomano, une solide équipe rayonnant sur Manosque et sa région.
A peine libéré le Belge part lui s'installer à Palma de Majorque dans une propriété appartenant à Andrée Cossu, la sœur de Tony, car sous le coup d'une interdiction de séjour en PACA, dans la région lyonnaise et en région parisienne qui ne prendra fin qu'en 1985. Ce qui, assurément, n'empêchera pas monsieur Vanverberghe de s'y rendre discrètement malgré tout. C'est que pendant ses onze années de prison le Belge a pris du plomb dans la cervelle. Détenu modèle, il a apprit le droit et découvert les grands auteurs et les philosophes, et surtout élaboré des rêves de grandeur et de reconnaissance qui ont eu tout le temps d'arriver à maturation pendant sa longue incarcération, ayant acquis parmi les détenus français une stature et un charisme certains. C'est donc un homme nouveau qui sort de prison en 1984, à tendance narcissique, et surtout avec une sourde envie de croquer le monde.
Après sa sortie il se serait ainsi activer à fond dans le racket, le monde de la nuit, les machines à sous, les casses, et bien évidemment la drogue, sa grande spécialité avant son incarcération, investissant notamment de très grosses sommes dans le bizness du cannabis en provenance du Maroc, un domaine alors en pleine explosion. Ayant des intérêts autant dans le sud qu'à Paris, le Belge s'installe à Noisy-le-Sec en 1985 avec sa nouvelle concubine, Lydie Fleury, de vingt ans plus jeune que lui (alors que sa dernière compagne connue, l'actrice Maria Vincent, avait elle 20 ans de plus que son homme) pour mieux gérer ses activités dans la capitale et profiter intensément de cette vie parisienne qui lui avait tant manquée, notamment dans son quartier adoré de l'Etoile et des Champs-Elysées, fréquentant tout autant la faune louche de la capitale que les strass et les paillettes du show-biz. On le voit également en Espagne, en Belgique, en Italie, en Corse, dans les Antilles, en Amérique du Sud...
C'est également au milieu des années 80 que Francis le Belge se rapproche étroitement de son ami Jacques Imbert alias Jacky le Mat, de seize ans son aîné, les deux homme s'associant pour mieux mettre en coupe réglée les nuits marseillaises. D'où quelques morts subites que certains n'hésitent pas à leur attribuer, comme celle de Christian Betta, gérant du Club 88 près d'Aix-en-Provence, tué en mai 1986 avec deux amis devant son établissement, ou encore l'assassinat de Gérard Doucet, patron de l'Oxydum et du Retro 25 dans la périphérie aixoise, tué avec son ami Luc Botello le 11 avril 1988 (des faits dont on reparlera dans le prochain article). Le Belge et le Mat seraient également en relation étroite avec de grands noms du Milieu corse, notamment Jean-Gé Colonna implanté dans le sud et les Bastiais de la Brise de Mer alors en pleine ascension et de plus en plus présents sur le continent.
Mais le Mat, malgré le poids qu'on lui prête, reste toujours aussi discret et insaisissable. Un temps installé à Neuilly avant de repartir vivre à Marseille, d'abord dans le quartier de l'Opéra puis sur l'île du Frioul où il gère un petit chantier naval, il continuerai d'avoir d'importants intérêts dans la capitale, tenant notamment en sous-main depuis la fin des années 60 le célèbre Bus Palladium chanté par Gainsbourg en 1966. On le voit également derrière l'embrouille qui a éclaté entre André Picaud dit le Gitan et son ancien associé Henry Botey, l'un des rois de Pigalle, le Mat ayant vraisemblablement monté la tête au Gitan pour qu'il se retourne contre son ancien patron. Résultat des courses : le 10 décembre 1987 André Picaud tire sur Botey et deux de ses "protecteurs", figures du Milieu parisien, Dédé Gau qui meurt sur le coup et Jean-Pierre Lepape que sauve son gilet pare-balles (sur Lepape voir l'article consacré à Nono le Barge). Selon une note policière le Mat aurait appliqué la même technique une dizaine d'années plus tôt en poussant les frères Lothoz, une puissante fratrie lyonnaise, à s'en prendre au clan corse des Panzani pour s'imposer sur les cercles de jeux parisiens, toujours sans se mouiller lui-même directement.
Une méthodologie qui semble être la marque de fabrique de Jacky le Mat et de quelques autres : rester en retrait, tirer les ficelles, manipuler son mode pour ensuite en tirer tous les profits. L'inverse d'un Francis le Belge qui lui a toujours eu le vilain défaut de vouloir se retrouver sous le feu des projecteurs. Ce qui laisse à penser que le véritable taulier de l'association le Belge-le Mat n'était pas forcément celui dont on parlait le plus...
La hache de guerre est déterrée
Si les affaires marchent plutôt très bien pour tout ce petit monde en ces douces années 80, la haine que certains des protagonistes de l'époque semblent se porter reste elle indélébile, et les pousse parfois à agir sans guère de discernement.
Le Corse Paul Mondoloni dit Monsieur Paul en aurait notamment fait les frais en 1985. Ancien pilier de la French Connection dans les années 50-70 navigant entre le Mexique, les USA, le Canada, Cuba, l'Espagne et l'Italie, et notamment lié aux trafiquants internationaux Jean-Baptiste Croce, Ansan Bistoni dit l'Aga Khan (tué par l'équipe du Belge dans la fusillade du Tanagra en 73), aux frères Venturi, aux frères Francisci, à Jean-Gé Colonna ou encore aux Cotroni, une famille de la mafia italo-américaine implantée au Canada, Monsieur Paul était devenu depuis son retour à Marseille à la fin des années 70 un important organisateur d'affaires et un juge de paix respecté du Milieu. Mais le bouillant Jeannot Toci ne sembla pas l'entendre de cette oreille, et se serait rapidement persuadé que Mondoloni avait voulu doubler son équipe dans des affaires de came et pactisé d'un peu trop près avec Jacky Imbert et Roland Cassone, ses ennemies jurés. A moins que les aspirations de Monsieur Paul à vouloir ré-ouvrir le casino Rhul de Nice, fermé administrativement depuis janvier 1982 sur ordre du ministre de l'Intérieur Gaston Defferre, n'aient irrité Toci et ses associés, eux qui souhaitaient également remettre la main sur les billets de l'établissement.
Ainsi le soir du 19 juillet 1985, alors qu'il sort de sa brasserie les Danaïdes en haut de la Canebière devant laquelle son poulain Gilbert "le Libanais" Hoareau avait déjà été tué deux ans plus tôt (voir l'article précédent), Paul Mondoloni, 69 ans au compteur, est pris pour cible par trois tueurs qui ne font pas dans le détail et canardent à tout va, blessant au passage une femme de 77 ans au cou et un passant dans le dos. Monsieur Paul, lui, meurt sur le coup. Il avait ce soir-là rendez-vous avec Josua Giustiniani, collecteur de fonds du Parti Socialiste, pour parler de l'affaire du casino de Nice.
Son garde du corps Jean-Toussaint Giaccomini, lui, soupçonné par les amis de Mondoloni d'avoir trahit son patron, part se mettre rapidement au vert à Sartène pour éviter les balles indélicates. En août 1986 une voiture identique à la sienne, pilotée par un touriste du continent, est mitraillée sur la route d'Olmeto, et Giaccomini se voit obligé de se faire d'autant plus discret. Jusqu'à ce jour de juin 1993 où il est abattu par quatre hommes dans une brasserie du 15e arrondissement de Paris tandis que ses amis ripostent à coups de calibres et parviennent à blesser deux des assaillants. La police ne tarde d'ailleurs pas à identifier les propriétaires des gouttes de sang retrouvées sur la scène de crime : Joël Bizzari, un Corse qui se pendra dans sa cellule de Fresnes en 1994, et surtout Théophile Skillas dit Skieffo, 35 ans, neveu de Roland Cassone, l'ancien bras droit de Jacky le Mat devenu un poids lourd du Milieu marseillais. Il aurait monté l'opération main dans la main avec les nouvelles figures dominantes de l'Ile de Beauté, à savoir les Bastiais du clan de la Brise de Mer Richard Casanova et Dominique Rutily, décidément très actifs sur le Continent.
Entretemps d'autres hommes étaient tombés dans cette guerre sans fin, et pas des moindres. Le 16 février 1987 c'est un pilier du clan Zampa qui passe cette fois la main : Gérard Vigier, 44 ans, installé depuis peu dans le sud-ouest à Figeac (Lot). Ce jour-là vers 1h30 du matin il quitte le JB, une boîte de nuit toulousaine, et monte à bord de sa voiture lorsque deux hommes armés d'un pistolet-mitrailleur Sten 9mm et d'un fusil à pompe font feu sur lui. Celui que certains considéraient comme le fils spirituel de Gaétan Zampa s'affale sur son volant, mort sur le coup.
Trois ans plus tard, le 11 juin 1990, Jeannot Toci, en fuite depuis 1983, est interpellé chez lui à Roquebrune-sur-Argens dans le Vaucluse tandis que cinq de ses lieutenants impliqués dans les machines à sous subissent le même sort. Chez Toci la police retrouve 3,2 millions de francs en espèce et plusieurs armes à feu, tandis que chez un de ses complices, Charly Lecouls, les inspecteur découvrent trois photos sur lesquelles ils identifient Jacques Imbert, Roland Cassone et leur ami Jo Masia, sans doute dans la perspective d'une future opération punitive, preuve que la haine que Toci vouait à ces hommes était toujours bien vivace.
Condamné à sept ans de prison pour infraction à la législation sur les armes, infraction à la législation sur les jeux et falsification de document administratif, Jean Toci est incarcéré à la prison de Luynes. Le 8 novembre 1990, alors qu'il prend son repas à la fenêtre de sa cellule, il est pris pour cible par un tireur embusqué posté à 400 mètres de là avec un fusil à lunette infrarouge qui le rate de peu et le blesse à la main. La "guerre de cent ans" entre l'équipe Zampa et l'équipe Imbert, décidément, ne semble pas connaître de limite.
Toci et une partie de son équipe à l'ombre, Jacky le Mat et Francis le Belge ont alors toute les latitudes pour s'imposer sur une partie des nuits marseillaises et aixoises. Surtout qu'une autre figure du clan, Jean-Marie Lucchesi, est décédé en 1987 de maladie et que Robert "l'Arménien" Seferian, ancien grand ami de Zampa qui avait pris son indépendance par rapport au clan à la fin des années 70, a été assassiné le 5 septembre 1989 dans un bar de Manosque, son nouveau fief où il était à la tête d'une solide équipe spécialisée dans le racket et les machines à sous. Ses assassins présumés, des amis de Bernard Bousquel dit Grand Bernard, un braqueur de 38 ans, peut-être avec le concours du fameux Gang des Alpes, n'auraient pas supporter le refus de l'Arménien à leur implantation sur Manosque et ses environs.
Quatre jours auparavant, le 1e septembre 1989, ce même Bernard Bousquel aurait commis l'irréparable en s'en prenant cette fois à José Vanverberghe, le petit frère de Francis. Gérant du Club 88 après la mort de l'ancien patron en 1986, supposé homme de main de Francis le Belge sur Aix-en-Provence, les raisons qui ont poussé Bousquel à s'en prendre au "petit frère" restent obscures, on a parlé d'une vieille animosité suite au partage jugé inégal du butin d'un braquage de fourgon commis en septembre 1987 à Toulouse, rancœur ranimée par un différent autour de la gérance du Club 88. Résultat : ce soir-là, regagnant sa voiture place de l'Hôtel-de-Ville à Vitrolles avec sa compagne après une séance de cinéma, José Vanverberghe, 41 ans, est criblé de balles par deux hommes surgis d'un véhicule tandis que son amie, enceinte de huit mois, prend la fuite en courant.
Comble du cynisme, ne pensant pas avoir été démasqué, le Grand Bernard se rend deux jours plus tard à Martigues au domicile de Jeannine Vanverberghe, la sœur de Francis, pour présenter ses condoléances à la famille. On ne le reverra plus jamais. La rumeur du Milieu parle, elle, d'une terrible séance de torture infligée par Tony Cossu et ses amis au pauvre Bernard, le corps de l'assassin ayant ensuite été jeté au fond de l'Etang de Berre (comme le prouveront les traces ADN retrouvées deux ans plus tard sur des ossement ramassés sur les rives de l'étang industriel). Le Grand Bernard, visiblement, s'était vu trop grand.
Retour à la case prison
Francis le Belge, lui, n'est alors pas présent pour participer à la correction de l'importun : il se trouve en effet en prison suite à un nouveau balançage, dû cette fois à une vieille connaissance, François Scapula, autrefois surnommé le Brun et désormais la Balance depuis qu'il a donné son meilleur ami François Girard dit le Blond dans l'enquête sur l'assassinat du juge Michel (voir l'article Zampa au sommet). Depuis la prison suisse où il est incarcéré pour un trafic international de came, prêt à toutes les délations pour limiter ses années de détention, "Scapu la Balance" accuse cette fois Francis Vanverberghe et Claude Raffanelli d'avoir procédé à une transaction de drogue portant sur 20 kilos d'héroïne en 1984 à Ibiza, afin de les vendre ensuite au clan mafieux des Benevento, membre de la Cosa Nostra américaine, par l'intermédiaire d'une vieille connaissance : Guido Rendel, un milanais avec qui l'équipe du Belge travaillait déjà étroitement au début des années 70.
Un mandat d'arrêt est immédiatement lancé contre Vanverberghe à l'été 1987 et le Marseillais se voit obligé de se mettre en cavale, d'abord sur la côte méditerranéenne puis à Bruxelles, où il est finalement arrêté le 30 mars 1988 dans la commune d'Ixelles en compagnie de sa concubine Lydie Fleury alors qu'il s'apprêtait à décoller le lendemain pour l'île de Saint-Martin dans les Antilles où, croit savoir la police, il partait discuter "affaires" avec William Perrin dit le Grand, un normand de 56 ans, ancien ouvreur de coffre de génie reconvertie dans le trafic de drogue international.
Incarcéré pendant quatre ans sur la seule base des déclarations de Scapula, Francis Vanverberghe est finalement libéré quatre ans plus tard le 4 décembre 1992 contre une caution d'1,5 million de francs, dont une partie a été réglée par l'international de football Bernard Pardo, vieil ami de la famille. Le Belge est finalement acquitté en 1996, et fait condamner la France par la cour européenne pour préjudice moral et délais abusifs de détention provisoire, recevant 85 000 francs de dommages et intérêts qu'il s'empresse d'aller offrir à la fondation Emmaüs de l'abbé Pierre qui refuse la donation, dont bénéficiera finalement l'Observatoire national des prisons.
L'embastillement du Belge pendant quatre ans n'aura en tous cas pas ralentit la bonne marche des affaires, bien au contraire : pendant son incarcération son équipe et celle du Mat ont continué de prendre du poids, profitant de la mise sur la touche de Jeannot Toci et des siens, jusqu'à devenir la plus grosse équipe de la région marseillaise malgré l'émergence d'autres groupes sur la scène phocéenne, comme l'équipe de Raymond Mihière dit le Chinois qui marche alors main dans la main avec un certain Souhel Hanna-Elias dit Joël le Turc, futur homme de confiance du Belge à Paris, le clan de la famille Baresi aux activités tentaculaires, ou encore la célèbre Brise de Mer qui place alors ses pions lentement mais sûrement sur toute la côte, attendant tranquillement son heure arriver...