Trois Marseillais Plein d'Avenir. Partie 9/10 : Années 90, grandeur et décadence
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Marseille Interdite, histoire du Quartier Réservé
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Au crépuscule des années 80, l'équipe du Belge et du Mat est en passe de devenir la plus puissante de la région marseillaise, tout en gardant de sérieux acquis sur la capitale (entre racket du monde de la nuit, machines à sous et bars à bouchon). Les deux hommes profitent en effet de l'incarcération de leur ennemie Jean Toci en 1990 et d'un certain nombre de morts providentielles (Paul Mondoloni en 85, Gérard Vigier et Nono Lucchesi en 87, Bert Seferian en 89... - voir l'article précédent) pour s'imposer manu militari sur les nuits marseillaises et aixoises, pour le meilleur et pour le pire en cette décennie de sang et de violence.
Trois Marseillais plein d'avenir
Chapitre 9 : Années 90, Grandeur et Décadence
Forts de solides soutiens pour mener à bien leur entreprise, le Mat et le Belge s’appuireaient notamment sur trois hommes de poids alors en pleine ascension pour les seconder sur Marseille : André Cermolacce dit Gros Dédé, 36 ans, connu pour braquage, machines à sous et proxénétisme, par ailleurs lié à de gros voyous corses et lyonnais, et ses amis Roger Spanu, 27 ans, dit Roger Lunettes ou Petit Roger, et Richard Laaban, 43 ans, un truand proche de l'Olympique de Marseille.
L'équipe du Belge à proprement parlée semble elle s'être plutôt concentrée sur Aix-en-Provence et ses alentours, où pullulent les boîtes de nuit florissantes. Il y a là pour l'épauler ses neveux Jean-Louis Marocchino, Laurent De Palmas et François Vanverberghe, le cousin de sa compagne William Chineau, bien évidemment son beau-frère Tony Cossu - qui après une courte incarcération de 1990 à 92 part s'installer en Espagne où il servira de relais pour monter de grosses affaires de drogue - mais aussi Jean-Claude Zamudio, connu pour braquage et machines à sous, gérant de plusieurs discothèques aixoises pour le compte de l'équipe - le Mas aux Milles, le Divino sur la route de Sisteron et le Mistral sur le Cours Mirabeau, dont on dit que celui qui en tient les rênes tient aussi celles des milieux nocturnes de la ville - et chargé "d'administrer" le parc de machines à sous clandestines du Belge dans le sud, Richard Dubrou qui tient lui la boite Les Templiers, et bien sûr Jean-Marc Verdu, gérant du Bistrot Aixois, l'une des affaires les plus juteuses du centre-ville, qui se verrait bien en nouveau patron des nuits aixoises dans l'ombre du Belge et de Jacky le Mat.
Ce dernier se serait d'ailleurs adjoint les services de trois terribles voyous marseillais pendant l'incarcération de Francis à la fin des années 80, un trio appelé tour à tour "la bande de l'Opéra", "la bande du Louis XVI" (du nom d'une pâtisserie où ils avaient leurs habitudes), ou plus prosaïquement "les trois sauvages" : Laurent Boglietti dit Lolo, le plus expérimenté de l'équipe, natif de Vitrolles et ayant déjà tapé de grosses affaires avec Tony Cossu et la "Dream Team" du braquage de Michel Crutel et consors, s'étant fait connaître de la justice par un retentissant vol de tableaux au musée d'art d'Aix-en-Provence (la restitution des oeuvres ayant été, dit-on, directement négociée avec le ministre de la culture Jack Lang), Jean-Jacques Maillet dit le Blond, le plus balèze du trio, et enfin Noël Mariotti, le plus virulent de nos compères qui avec son voyou de frère Bruno serait en relation directe avec le patron de l'OM Bernard Tapie. Tous trois braqueurs chevronnés ayant commis des vols à travers toute la France, de Caen à Marseille en passant par Orléans, Tours et Nanterre, les "Sauvages" sont surtout redoutés pour leurs méthodes expéditives. Le Mat et le Belge vont alors canaliser à merveille l'énergie de ces têtes brûlées pour terroriser les payeurs récalcitrants et les concurrents potentiels, avec pertes et fracas.
La guerre des boîtes et l'hécatombe du Retro 25
Au tournant des années 80 et 90, le juteux gâteau des boites de nuit aixoises va en effet être à l'origine de plusieurs séries de règlements de compte pour le moins sanglants. Déjà en mai 1986 le patron du Studio 88 était assassiné avec deux de ses amis devant son établissement, puis son successeur Bernard Bousquel passait l'arme à gauche en septembre 1989, lui-même soupçonné d'avoir ôté la vie à José Vanverberghe, le frère de Francis, quelques jours plus tôt (voir l'article précédent).
Le 11 avril 1988 c'est cette fois une figure des nuits aixoises, Gérard Doucet, 46 ans, qui disparaît près de Marignane en compagnie de Luc Botello, 28 ans, un de ses amis pourtant étranger à ses affaires. Propriétaire de deux boîtes de la périphérie d'Aix, l'Oxydium aux Milles et le Retro 25 à Luynes, Doucet aurait eu le tort de ne pas vouloir se plier au racket auquel on entendait le soumettre. L'année suivante, en octobre 1989, ce sont cette fois les établissements d'un certain Christian Novarra qui sont visés, un proche ami de Doucet avec qui il était associé qui voit ses deux discothèques la Chimère et les Mandragores subir les dégâts de puissantes charges explosives, tandis que son bateau le Faly Be est coulé dans le port de Cassis quelques jours plus tard.
Puis après une courte accalmie, les hostilités reprennent deux ans plus tard. Le 26 octobre 1991 Jo Coppola, un "bouillant" des quartiers sud de Marseille, fils de pieds noirs italo-tunisiens et propriétaire entre autres de la discothèque à la mode le Niagara dans la cité phocéenne, est abattu de deux balles de pistolet dans son restaurant de Montredon tandis qu'un consommateur malchanceux reçoit une balle perdue dans la gorge. Coppola aurait eu le tort de vouloir investir dans la ville du Roi René, malgré les recommandations contraires de "l'équipe de feu" du Mat et du Belge, les Boglietti-Maillet-Mariotti qui commencent à terroriser sérieusement leur monde.
Quelques mois auparavant, le 15 février 1991, c'était cette fois Tony Daoudi, 32 ans, qui était tué dans la périphérie d'Aix pour s'être intéressé d'un peu trop près au rachat des Mandragores (la boîte de Novarra plastiquée en 89). Deux ans plus tard, en septembre 1993, un certain Joachim Dos Santos Martins, restaurateur de 37 ans, était à son tour abattu de trois balles de 11,43 à Aix pour les mêmes raisons. Décidément, quand ces tueurs ont une idée en tête elle fait son chemin.
Et cette sanglante détermination va tout particulièrement s'exprimer autour de la reprise du Retro 25, l'ancienne boîte de nuit de Gérard Doucet, autour de laquelle va se cristalliser toute la violence de la période. Après avoir évincé par "voie diplomatique" plusieurs racheteurs potentiels, notamment Paul Lantieri, un entrepreneur corse proche des milieux criminels de l'Ile de Beauté qui comprend rapidement le danger, l'équipe le Mat-le Belge secondée sur place par Jean-Marc Verdu, aux dents assez longues pour rayer tous les parquets de la ville du Bon Roi René, se voit de nouveau "obligée" de faire parler la poudre.
Le 18 octobre 1991 Vincent Parra, 47 ans, videur de l'Oxydium (ex-boîte de Doucet) et ancien champion de boxe, est tué à Marseille pour s'être fait un peu trop insistant dans ses volontés de rachat du Retro 25, son ami Vincent Plévani suivant le même chemin le 3 mars 1992. L'ancien directeur artistique de l'établissement, Christian Novarra, visiblement pas refroidit par les attentats que ses discothèques ont subit en 89 le sera par contre par les balles de ses ennemies, agacés que ce play-boy de 47 ans ait osé se porter acquéreur de la boîte maudite malgré leurs menaces : le 28 août 1992 il est au volant de sa Porsche 911 turbo sur la route d'Eguilles, dans la campagne aixoise, lorsqu'une voiture et un camion viennent bloquer son véhicule, les assaillants tirant une quinzaine de balles d'arme automatique sur leur victime. Novarra n'aura pas eu le temps d'utiliser la grenade qu'il portait en permanence sur lui depuis quelques temps, preuve qu'il savait ses jours en danger, et meurt sur le coup.
Puis une nouvelle équipe pointe le bout de son nez pour tenter le rachat début 93, venue des quartiers sud de Marseille et proche de feu Jo Coppola, proposant jusqu'à 5 millions de francs d'investissement, mais en face on semble prêt à tout pour continuer de faire baisser les prix. Toute l'énergie de l'équipe de feu du Belge et de Verdu va alors s'exprimer à plein. Le meneur de cette équipe de racheteurs, Henri Maridet, 52 ans, ancien braqueur devenu directeur de la sécurité d'une boîte de Marignane, et qui avait eu le malheur d'avoir une altercation avec Jean-Marc Verdu sur le parking du Retro 25 peu avant, est abattu de 62 balles de pistolet-mitrailleur le 8 juin 1993 au Roy d'Espagne, au sud de Marseille. Son associé Robert Dahan, 45 ans, subit le même sort deux jours plus tard et reçoit 33 balles dans le buffet au Redon, toujours dans les quartiers sud. Leur ami Jean-Pierre Jativa, 25 ans, est abattu le mois suivant dans le 8e arrondissement, puis c'est Dominique Fontana, 37 ans, qui est découvert dans son véhicule le 28 août avec deux balles dans le dos.
Le 18 septembre 1993 enfin a lieu le plus terrible meurtre de cette série de règlement de comptes : ce soir-là trois hommes cagoulés font irruption dans un local de la cité Val Marie, à côté du Redon, et intiment l'ordre aux quatre jeunes présents là de quitter les lieux à l'exception d'un seul, qu'ils criblent de balles. Il s'agit de Michaël Dahan, 20 ans, fils de Robert tué trois mois plus tôt non loin de là, qui avait osé dire tout haut qu'il vengerait son père coûte que coûte.
Dix cadavres pour une discothèque, le compte y est, sans parler des autres morts violentes attribuées au trio magique de Marseille (notamment celle de Stéphane Coadic, 26 ans, et la tentative d'assassinat sur son ami Faouzi Houssine dit Toumai, tous deux accusés de bavardages intempestifs avec la police par Bruno Mariotti, le frère de Noël, qui aurait commandité l'assassinat). La police, elle, semble agacée de compter les points et lance fin 93 l'opération Retro 25 pour mettre un terme à cette série sanglante. Le 25 novembre sont ainsi interpellés Laurent Boglietti, Jean-Jacques Maillet et Noël Mariotti, inculpés pour des attaques de banque commises à travers toute la France, pour meurtre et pour extorsion de fonds, mais aussi Jacques Imbert, Francis Vanverberghe, André Cermolacce et encore une quinzaine d'autres loustiques, y compris à Paris où l'équipe est soupçonnée de pratiquer des extorsions tout aussi lucratives que dans le sud. Le Belge regagne ainsi la cellule "VIP" du bâtiment D des Baumettes qu'il avait quitté 11 mois plus tôt, tandis que le Mat accroche lui sur sa porte un écriteau "ne pas déranger" à l'attention des gardiens de la prison.
Seulement voilà, devant la faiblesse des preuves matérielles pesant contre eux le Mat et le Belge sont finalement relâchés un an plus tard, en décembre 1994. Les autres sortiront tous entre 95 et 98. Entretemps, au mois de mars 94, Jean-Marc Verdu était finalement arrivé à ses fins : le Retro 25 lui a été cédé pour la modique somme de 800 000 francs, alors que son prix initial avait été estimé à plus de 3 millions. Comme quoi, quand on veut on peut...
Dès lors plus personne n'osera remettre en cause l'autorité de cette équipe pour quelques années, que ce soit à Aix ou Marseille. Jusqu'à l'offensive que lanceront au début des années 2000 des truands bastiais mieux connus sous l'appellation de gang de la Brise de Mer. Des péripéties qui vous seront bien sûr racontées dans le prochain article.
Toci : une fin en feux d'artifice
Libérés fin 94, le Mat et le Belge peuvent donc tranquillement reprendre les rênes de leurs affaires sudistes. Et ce malgré la libération, deux ans plus tard, de leur ennemie intime, le frère de Tany Zampa et dernier survivant de poids du clan : Jeannot Toci, sortie de prison en 1996 après 6 ans d'incarcération. Il reprend alors la tête de son équipe et la gestion de ses biens, les dizaines de places de machines à sous clandestines qu'il contrôle autour de l'Etang-de-Berre, dans le Vaucluse, les Alpes-de-Haute-Provence et le Var. Mais certains de ses associés ne voient pas d'un très bon œil le retour de ce chef intransigeant et très gourmand...
A la tête de la scission silencieuse qui éclate alors on retrouve Serge Martin, 44 ans, qui emmène avec lui d'autres membres de l'équipe Toci comme Alain Paparella du Vaucluse, Raphaël Raposo dit Ralph ou encore Marc Monge dit le Diable, un voyou de Carpentras fraîchement sortie de prison avec une furieuse envie de croquer l'oseille des autres. En signe de préavis le 5 mars 1997 deux lieutenants supposés de Jeannot Toci, Nicolas Nissirio et Robert Dubois, se font tirer dessus au 9 mm à Port-de-Bouc, sans plus de dégâts.
Le 7 mai en revanche c'est une autre paire de manches : Jean Toci, 64 ans, et sa compagne Berthe Crémier, 52 ans, sont tués dans leur voiture de plusieurs coups de fusil à pompe sur le parking d'un supermarché à Istres. Le dernier représentant du clan Zampa perd ainsi sa vie comme il l'avait menée, dans le sang et la violence. Lui qui avait échappé à tous les pièges qu'avaient pu lui tendre ses ennemies historiques depuis vingt ans ne survivra pas aux loups qu'il avait lui-même accueillit dans sa bergerie.
Mais bien que Toci mort, son équipe se restructure tant bien que mal autour de son gendre Jean-Paul Di Noia, qui peut compter sur la puissance de feu de quelques voyous restés fidèles comme Charly "la Gâchette" Lecouls et son bras droit Sauveur Manzo, Serge Nalin dit Benny le Dingue, Chaouki Bouskaya, Nicolas Nissirio ou encore Didier Douville. En août 97 l'équipe Martin-Monge-Paparella tente de nouveau de clairsemer le camp adverse en prenant en chasse Charly la Gâchette sur une route du Vaucluse alors qu'il roule en moto et le percutent violemment, mais ne peuvent terminer leur besogne du fait de la présence de trop nombreux témoins. Le mois suivant c'est cette fois Marc Monge qui survit miraculeusement à une tentative de meurtre : il est pris pour cible à la sortie d'une boîte de nuit dans la Drôme et s'en sort sain et sauf tandis que sa femme, elle, est grièvement blessée. Le 17 octobre c'est son ami Serge Martin qui passe à la caisse : alors qu'il se trouve dans une cabine téléphonique sur le parking d'un supermarché de Sorgues, en banlieue d'Avignon, il se fait tirer dessus et s'écroule quelques mètres plus loin après une brève courses, les tueurs venant l'achever de cinq balles dans la tête.
Les corps carbonisés de Charly Lecouls et Sauveur Manzo sont eux retrouvés dans leur voiture près de Saint-Maximin dans le Var l'année suivante, le 11 septembre 1998, lestés de deux balles dans la tête. On a alors parlé d'un conflit interne à leur propre équipe, et les regards se sont un temps portés sur Serge Nalin, Chaouki Bouskaya et Didier Douville, tous blanchis cinq ans plus tard par la justice. Puis c'est le corps d'Alain Paparella qui est découvert le 17 octobre 98 dans la forêt de Gréasque près d'Aix-en-Provence, criblé de balles et lui aussi carbonisé. Le 11 décembre Didier Douville est à son tour refroidit de douze balles devant un bar de Carpentras. L'année suivante Paul Farrugia, soupçonné d'avoir participé à la tentative d'assassinat essuyée par Monge en 97, est tué avec sa femme Ghislaine Monserie près de Gréouls-les-Bains dans les Alpes-de-Haute-Provence le 1e octobre 1999, preuve supplémentaire que ce conflit ne semble plus connaître aucune limite ni territoriale (des meurtres dans cinq départements différents) ni morale (trois femmes de voyou victimes collatérales des assassins). Marc Monge lui-même perdra la vie le 8 janvier 2000, abattu à Saint-Ouen par un commando venu du midi, mais l'homme s'était fait tellement d'ennemies en un laps de temps record entre le Gard, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône qu'il est impossible de déterminer la provenance des tirs.
Ce qui est sûr en revanche c'est que Jean Toci, lui, n'est plus, victime des terribles règlements de compte qui ensanglantaient alors lourdement le milieu des machines à sous dans le sud, en ces années 90 décidément bien meurtrières. Les villes industriels du pourtour de l'Etang de Berre (Martigues, Marignanne, Berre, Fos, Port-de-Bouc, Istres...) et les dizaines de places de machines à sous qu'elles représentent (on parle de 150 cafés concernés) seront notamment l'enjeux de plusieurs séries de règlements de compte sanglants dans les années suivantes, jusqu'à l'émergence d'une solide équipe issue de Salon-de-Provence, à 20km au nord d'Aix, qui prendra progressivement le contrôle de la zone sous l'égide de Farid Berrhama, des frères Fuentes, d'Erci Shöne et de quelques autres, qui s'entre-déchireront naturellement peu après, comme une règle immuable du Milieu.
Le bizness des machines à sous laissera ainsi de nombreux hommes sur le carreau dans le sud, la faute aux places manquantes et aux trop nombreuses équipes en activité, et aura la particularité de "provincialiser" le Milieu, le faisant sortir de ses grands centres historiques (Marseille, Toulon, Nice, Grenoble, Manosque) pour venir atteindre des zones jusque-là relativement épargnées par le grand banditisme, le Vaucluse, le Gard, la Drôme, les Alpes-de-Haute-Provence, le nord du Var, ainsi que des villes de la région marseillaises qui avaient toujours été plus ou moins à l'écart des affaires (Vitrolles, Gardanne, Salon-de-Provence, Aubagne, La Ciotat...) .
Topaze et autres affaires
Côté judiciaire, si nos deux compères belge et mat passeront bien souvent entre les mailles du filet il s'en sera fallu de peu pour qu'ils ne croupissent pour quelques années supplémentaires en prison. En janvier 1990 la police retrouve le numéro de téléphone de "Frioul Plaisance", le chantier naval que Jacky Imbert gère à Marseille, dans la voiture d'un des tueurs présumés de la "guerre des cliniques", Marcel Long, ancien de la French Connection impliqué dans ce conflit entre directeurs de cliniques privées autour du monopole des lits d'hôpitaux du département, et qui coûta notamment la vie à Jean-Jacques Peschard, maire du 7e secteur de Marseille, le 16 janvier 1990. Pourtant, malgré cette pièce à conviction pour le moins intrigante, le Mat n'est ni inquiété ni même entendu.
En 1992 il est cette fois convoqué au commissariat de l'Evêché pour répondre de son implication supposée dans une série de casses et cambriolages commis douze ans plus tôt sur la Côte d'Azur, et tout particulièrement celui de la bijouterie Rolex à Genève en compagnie de figures du Milieu nantais en 1980, sans plus de suites. La même année on soupçonne également le Mat d'avoir détourner près de 70 millions de francs au préjudice de la discothèque parisienne le Bus Palladium et d'une parfumerie où il a été officiellement salarié, tandis que son ami Richard Erman, franco-russe de 60 ans gérant du Bus, se cache au Venezuela. Mais une fois de plus : pas de suite.
Avec l'opération Topaze en revanche la note promet d'être un peu plus salée, mais cette fois le Mat semble être complètement étranger à l'affaire. Il s'agit là d'un vaste trafic de drogue international mis à jour par la police grâce à de providentiels écoutes téléphoniques, décryptées non sans mal par les inspecteurs des stups qui ont dû faire face à un langage codé pour le moins obscur pour le profane, comme bien souvent dans ce genre d'affaire. Au bout d'un certain temps pourtant les enquêteurs comprennent qu'ils ont affaire à une organisation très bien huilée qui aurait permit en deux ans d'importer plus de 5 tonnes de cannabis depuis le Maroc via l'Espagne, 500 kilos d'héroïne du Brésil à la France via le Bénin, et plusieurs centaines de kilos de cocaïne en provenance des cartels mexicains. Du lourd en somme, et les têtes d'affiche du réseau ne sont pas des moindres non plus.
Cette solide association née au milieu des années 90 regroupe en effet quelques ténors de la pègre hexagonale : Antoine Cossu dit Tony l'Anguille, 55 ans, le beau-frère de Francis le Belge, champion du braquage et de l'évasion qui aurait été l'un des organisateurs en chef du trafic et son "banquier" attitré aux côtés du clermontois Jean-Pierre Gandeboeuf dit Cristo, 52 ans, ancien du Gang des Lyonnais devenu une figure de la cité des Gones. On retrouve également à la tête de l'organisation les deux frères Franck et Pascal Perletto, 34 et 35 ans, les nouveaux hommes forts de Toulon et de sa région qui emmènent avec eux leurs amis Frédéric Perlungo et Gilbert Mesguich. Et l'organigramme des têtes d'affiche du réseau n'est pas fini : Jean-Claude Kella, ancien gros trafiquant de la French Connection ayant commencé sa carrière aux côtés de Francis le Belge et des siens dans les années 60 et toujours très actif dans le monde des stups, Farid Berrhama dit l'Indien ou Gremlins, caïd des machines à sous à Salon-de-Provence et autour de l’Etang de Berre, Alain Tavera, un proche du gang de la Brise de Mer, Georges Ben Mohamed dit Gros Jo, une figure des quartiers sud de Marseille, Jean-Paul Baudino dit Jean Reno, considéré comme l'un des intermédiaires espagnoles de l'organisation, Richard Dubrou, l'un des hommes du Belge à Aix-en-Provence... et même l'inspecteur des stups Pierre-Jean Nicoli qui servirai de taupe au sein de la police à toute l'organisation aux côtés de deux autres officiers !
En mai 1998 ce sont ainsi 19 personnes qui sont mises en examen, dont la propre sœur du Belge Simone Vanverberghe et ses neveux Laurent de Palmas et Jean-Louis Marocchino, tandis que monsieur Francis Vanverberghe, lui, n'est nullement inquiété. Certains enquêteurs ont pourtant cru reconnaître son ombre derrière certains surnoms utilisés lors des conversations téléphoniques des trafiquants. Le Belge n'aurait ainsi toujours pas délaissé le domaine de prédilection qui lui avait valu son embellie à la fin des années 60 : le trafic international de drogue. L'installation de son ami de toujours Tony Cossu en Espagne en 1992 aurait ainsi été l'occasion de monter de fructueux réseaux de drogue.
Pour les inculpés en tous cas, la note sera pour le moins lourde : si certains seront relaxés à l'issue du procès, les plus grosses peines iront jusqu'à 20 ans de prison ferme pour Pascal Perletto, 14 pour son frère Franck, 18 pour Tony Cossu et 15 pour Cristo Gandeboeuf. Le Belge perd là de précieux alliés, et se concentrera dès lors d'autant plus sur ses intérêts parisiens, sa ville adorée qui lui fera également office de tombeau, comme nous le verrons dans le prochain article. A bientôt.