Les Caïds de Montreuil, Chapitre 3 : les Frères Hornec
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Marseille Interdite, histoire du Quartier Réservé
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400 pages, 80 photos, 3 ans de travail, 25 euros
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Grandis dans l'ombre des caïds de Montreuil, les Titi Peltier, Claude Genova, Michel Thierry, Franky Berens et autres Jean-Pierre Jurie, les frères Hornec ont pris leur envol criminel au début des années 90, emmenant avec eux toute la nouvelle génération francilienne ainsi qu'une bonne partie de leur propre famille dont on ne compte plus les cousins, neveux, fils ou beaux-frères qui ont eu maille à partir avec la justice. Ensemble ils vont gravir les marches du crime parisien et devenir l'une des plus grosses équipes de la capitale, laissant au passage quelques beaux cadavres derrière eux. On n'a rien sans rien.
Le Temps des Gitans
La famille Hornec est au départ issue d'une lignée de manouches de Hongrie partis s'installer en Allemagne dans le courant du XIXe siècle. Au début du XXe ils quittent l'Alsace où ils vivent depuis plusieurs générations pour gagner la France, et se fixent dans l'est parisien. Lucien Hornec, le paternel né en 1932, reprend très jeune l'activité de ferrailleur de sa famille et épouse Marinette Falck, d'un an sa cadette, avec qui il a quatre enfants : Jean-Claude né en 1953, Sonya en 1955, Mario en 1957 et Marc en 1966. Jusqu'à la fin des années 50 la famille vit en caravane, puis s'installe dans un petit pavillon du quartier de la Boissière à Montreuil, rue des Ramenas, un fief sanctuarisé qu'ils ne quitteront plus et qu'ils agrémenteront, au grès des coups réussis, de nouveaux terrains jusqu'à posséder une petite forteresse de six pavillons agglutinés les uns aux autres.
Jeunes les petits Hornec ne rechignent pas à la besogne en aidant leur père dans la ferraille, mais l'argent du crime ne semble pas les laisser non plus indifférent. L'aîné, Jean-Claude dit Eddy Mitchell, qui a été à l'école communale avec Claude Genova, fraye alors avec les petits délinquants du quartier et se fait surtout remarquer par ses roustes ravageuses. Son frère Mario est quant à lui le premier de la fratrie à se frotter réellement au grand banditisme, lui que l'on considère comme le plus malin de la famille, fournissant notamment certains gros braqueurs de la banlieue sud en voitures volées et maquillées. Il embarque quelques temps plus tard son petit frère Marc dans l'aventure, qui malgré les 13 ans d'écart qui le séparent de l'aîné Jean-Claude et les 9 ans de différence avec Mario est vu comme le plus "vaillant" des frères, une tête brûlée vive et pour le moins téméraire, qui jusque là n'était connu que pour de simples vols (il a connu sa première interpellation à 11 ans pour un vol de mobylette).
Au début des années 80 les trois frères fréquentent assidûment les hauts lieux malfrats de Montreuil et de ses alentours, le bar de la Demi-Lune du Gros Jean-Pierre, le Pixi à Bagnolet, le Saint-Ex à Rosny tenu par Franky Berens, l'un de leurs mentors qui leur fait rencontrer du très beau monde, et quelques bars louches du XIIe arrondissement de Paris. Ils auraient tapé des affaires avec Titi Peltier, avec Claude Genova, avec Michel Thierry qu'ils connaissent depuis l'enfance, placent quelques machines à sous clandestines dans des bistrots de Montreuil et des alentours, mettent quelques billets dans la came... et frayent avec de jeunes pousses en devenir de la banlieue est, les enfants de la première génération d'immigrés maghrébins nés dans le courant des années 50-60, Nordine Mansouri dit la Gelée et son oncle Omar Belhadi, les frères Karim et Ihmed Mohieddine alias Jo l'indien, Mohamed Amimer dit Momo, Nordine Benali dit la Puce et son frangin Djamel, Abdelkrim Hadjadj dit Abdel le Blond, les deux frères Eddy et Henri Ritz Alloun, tous deux surnommés "les Yeux Bleus" et issus d'une famille du cirque, les frères Enrique et Christian Gimenez, et encore une poignée d'autres dont les frères Bibi et Samy Naceri qui feront plus tard une belle carrière dans le cinéma après être furtivement passés par la case voyou. Tout ce petit monde ne forme pas alors une équipe à proprement parlée mais plutôt une mouvance où les associations se font et se défont au grès des affaires tapées, en bonne entente - pour le moment du moins.
Tout au long des années 80 les Hornec vont ainsi faire leurs armes dans le braquage et les vols en compagnie des grands noms du nord et de l’est parisien, tout en tenant quelques machines à sous clandestines dans des bistrots de Montreuil et des alentours et en investissant quelques billes dans la came, puis passent à la vitesse supérieure au début des années 90. Notamment en 1993, année où on leur impute une double attaque de transports de fonds Sécuripost à Saint-Ouen, l'une en mars pour un montant de 10 millions de francs, l'autre en juin pour 15 millions, ainsi que le casse d'une société de transport de fonds à Bayonne le 23 août 1993 pour un total de 18 millions.
Des coups pour le moins juteux sur lesquels le caïd de Montreuil, pourtant incarcéré depuis quatre ans, demande à toucher sa part. Il s'agit bien sûr de Claude Genova dit le Gros qui depuis 1986 et la mort de Titi Peltier s'est mis en tête de racketter les équipes de Paris qui touchent des gros sous. Il n'en serait pas à son coup d'essai avec les Hornec, avec qui il a déjà travaillé à plusieurs reprises par le passé, mais cette fois-ci les manouches refusent de céder et se sentent assez forts pour lui faire face.
Michel Thierry, l'un des assassins de Titi Peltier, prend leur partie et le fait savoir aux hommes de Genova. Ils le lui font payer en l'abattant le 25 novembre 1993 à Montreuil. Trois mois plus tard, en février 94, ils s'en prennent cette fois à Nordine Mansouri aka la Gelée, un fidèle des frères Hornec au CV long comme le bras, en l'enlevant pour lui faire avouer où ses amis cachent leur pactole. Malgré plusieurs séances "d'interrogatoire" au cours de ces trois semaines de séquestration et la présence de Genova alors en permission la Gelée ne dit rien, et est finalement relâché contre rançon. Il héritera de ce délicat séjour d'un boitement à la jambe qui ne le lâchera plus, et d'une terrible rancœur : ses cinq ravisseurs vont tous mourir les uns après les autres dans les mois qui suivent, à l'exception d'un seul (Nordine Benali, qui mourra en Espagne en 2001).
La guerre est en effet déclarée et l'équipe Hornec n'est pas prête de lâcher le morceau. Ils lancent un contrat d'1 million 800 000 francs sur la tête de Genova, s'arment en conséquence, partagent les mêmes planques et ne se déplacent plus qu'en groupe compacte, bien décidés à faire le vide autour de leur ennemie. Le 17 mai ils abattent Eric Pasquet dit Petit Riquet rue de Charonne à Paris, l'assassin présumé de Michel Thierry. Le 12 juin c'est Joël Guignon, qui avait été chargé d'espionner les frères manouches et leurs amis, qui est tué à Nogent-sur-Marne. Le lendemain un autre fidèle de Genova, Fayçal Marrefi dit Féfé le Brochet, est tué dans une fusillade à la sortie d'un bar qui l'oppose aux frères Demestre, deux ferrailleurs de Colombes qui perdent également la vie dans l'échange de tirs.
Deux mois plus tard les frères Hornec et leurs amis parviennent à en finir définitivement avec leur ennemie juré, pourtant réputé imprenable et très méfiant. Par le biais d'un duo de voyous parisiens, Jean-Dominique Poletti et Kadda Hadjadj dit Karim, ils attirent Claude Genova alors en permission dans un piège mortel : un faux rendez-vous dans un bar haut-standing du 17e arrondissement le soir du 22 août 1994. Ne voyant aucun des invités attendus se présenter le Gros s'en va boulevard Gouvion-Saint-Cyr récupéré sa voiture en compagnie de sa maîtresse, son chauffeur et la copine de ce dernier, lorsqu'un homme surgit d'un véhicule et l'abat de trois décharges de chevrotine sur le trottoir avant de prendre la fuite en voiture avec ses deux complices. Le dernier survivant présumé de l'enlèvement de Nordine la Gelée, Henri Ritz Alloun, est lui descendu le 2 décembre 1994 de trois balles de pistolet à Neuilly-sur-Marne, histoire de parfaire le travail.
Le Temps des Rois
Cette fois c'est fait : les Hornec ne craignent plus personne, et la voyoucratie parisienne s'en avise très rapidement. L'assassinat de Claude Genova ne vient qu'entériner une situation de fait, valider une ascension démarrée dix ans plus tôt, et fait littéralement exploser la "côte d'amour" des frères de Montreuil et de leurs amis (Nordine Mansouri, Ihmed Mohieddine, Mohamed Amimer, Omar Belhadi, Abdelkrim Hadjadj...) . On leur apporte désormais des affaires sur un plateau, on les associe à des bizness, on cherche leur compagnie et leur protection. Tout au long des dix années qui suivent la mort de Genova, ils vont ainsi s'activer dans des domaines criminels pour le moins variés.
Le bizness de l'or notamment leur rapporte des sommes considérables, tout un tas de petites mains à travers la France leur servant de relais, structurées autour de la communauté des Voyageurs et de parents plus ou moins proches, ramenant le fruit de leurs vols et de leurs casses aux Montreuillois pour qu'ils fondent le tout avant de le refourguer par le biais de réseaux bien en place, à Paris, au Luxembourg, en Belgique, aux Pays-Bas... Ils continuent également à donner dans le vol avec leurs associés du 93, du braquage de fourgons aux casses d'entrepôts en passant par les "saucissonnages" de personnes fortunées sans jamais être directement impliqués par la justice. Ils investissent dans le trafic de shit alors en pleine explosion et lorgnent sur celui de la cocaïne. Ils se lancent aussi dans le bizness des machines à sous clandestines, plaçant leurs "baraques" un peu partout dans les cafés de banlieue et servant de relais à de très gros poissons du Milieu corso-marseillais, gérant notamment le parc de Richard Casanova, l'un des piliers du gang bastiais de la Brise de Mer rencontré par le biais de Mario, le cadet de la fratrie manouche, désormais surnommé "le Corse" par les Montreuillois du fait de ses relations avec l'Ile de Beauté.
Les Hornec se mettent également à racketter des établissements de nuit parisiens et des magasins haut-standing de la capitale, et investissent dans plusieurs boîtes en sous-main, notamment en association avec Antonio Lagès dit Tonio le Portugais, un jeune braqueur montreuillois patron officieux du Foxy, et Mohammed Amimer de Noisy-le-Sec, un très beau voyou du 93 qui contrôle la discothèque le Triangle à Andilly et que les frères auraient aidé à faire évader de la prison de Nîmes le 25 août 2000, ayant aussi vraisemblablement mis la main sur le Why Not à Pontault-Combault (Seine-et-Marne), le Midnight Express à la Défense, l'Elysée Raï sur les Champs, le Mirage dans le Val d'Oise, le Manoir dans les Yvelines et la Plage à Gournay-en-Bray (Seine-Maritime).
Par le biais de Michel Gabarès, homme d'affaire manouche installé au Luxembourg, ils auraient également fait de fructueux placements financiers et investissent une partie de leur fortune dans la pierre à travers toute la France, construisant des propriétés en région parisienne, en Savoie, sur la Côte d'Azur, dans les Alpes, en Espagne... Bref, tout un tas d'affaires délictueuses qui attirent inévitablement l'oeil de la police, mais là aussi la fratrie a un atout de première main : plusieurs ripoux à travers les commissariats de la banlieue parisienne les renseignent sur les avancements de telle ou telle enquête. Certains ont d'ailleurs été condamnés pour corruption, trahis par un train de vie qui collait difficilement avec leur salaire règlementaire de fonctionnaires.
Si les trois frères Hornec sont au premier plan en ces années-là d'autres membres de la famille font aussi parler d'eux, une quinzaine au moins, cousins, fils, neveux, beaux-frères, impliqués tour à tour dans des affaires de braquages, de trafic de voitures, de tripots clandestins, de saucissonnages, de casses, de trafic d'œuvres d'art, de racket, de vol... Fabrice Hornec, un cousin germain de la fratrie né en 1974, se démarque tout particulièrement dans le domaine des gros braquages, lié à des cadors d'Ile-de-France comme Nordine Nasri dit Nono le Barge, un caïd du 92 terreur de la voyoucratie parisienne, le super-trafiquant Karim-Pascal Reguig dit le Turbu, un important grossiste de cannabis installé sur la Costa del Sol, la future "star" du hold up Antonio Ferrara, un Italien du Val-de-Marne spécialiste de l'attaque de fourgons, le fils prodige Serge Lepage dit Sergio qui a repris avec succès la carrière "exemplaire" de son père Michel Lepage, une figure historique de la Banlieue Sud, ou encore le braqueur corse Joseph Menconi dit José, très proche du gang bastiais de la Brise de Mer.
Néanmoins le clan connaît quelques revers. En mai 1995 deux de leurs boîtes sautent, le Triangle et le Fun Raï, ainsi qu'un restaurant appartenant à leur ami Ihmed Mohieddine, et le 3 août suivant Jean-Dominique Poletti, l'un des assassins présumés de Claude Genova, est descendu à Boulogne-Billancourt. Une esquisse de vendetta vraisemblablement lancée par les deux frères Benali, ex-fidèles de Genova, qui partent rapidement se mettre à l'abris en Espagne où d'autres histoires causeront leur perte. Dans la même période leurs amis les frères Antoine et Charly Lemeny, des Voyageurs de Lyon spécialistes de l'escroquerie aux ivoires, se plaignent de subir des tentatives de racket à répétition de la part d'un certain Albert Rémond dit Freddy, fils du célèbre braqueur lyonnais Pierre Rémond dit Nonoeil tué en 1969 par la police. L'importun paye son geste inconsidéré par un assassinat en bonne et dûe forme le 2 janvier 1996 à Romans dans la Drôme où il reçoit trois balles de fusil de chasse en pleine tête, tandis que son oncle Michel Vetter est lui tué à Cagnes-sur-Mer l'année suivante.
Un peu plus tard, en 2000, c'est cette fois un associé des frères Hornec qui tombe, le Portugais Antonio Lagès. Le 18 octobre avec ses associés il aurait abattu un certain Farid Saana dit l'Ecureuil place des Ternes à Paris de onze balles de 11,43 et trois décharges de fusil de chasse, suite à une embrouille liée à une histoire de racket autour du bar le Japan, rue Quentin-Blanchart. Un an plus tard, le 23 octobre 2000, l'Ecureuil est vengé : Antonio Lagès reçoit ce soir-là deux balles Brenneck qui le tuent net dans sa Mercedes avenue George-V, alors qu'il était sorti de prison moins de deux semaines plus tôt. Le 19 novembre 2000 c'est un autre associé du clan, Boualem Talata dit Boubou, LA figure de Dreux et relais des manouches dans le bizness des machines à sous, par ailleurs garde du corps et ami de Jamel Debbouze, qui meurt assassiné boulevard Kennedy par les frères Djenane pour un différent vraisemblablement lié au trafic de drogue local. Deux mois auparavant il avait été entendu par la police pour sa participation supposée un règlement de compte très médiatisé, derrière lequel certains ont vu la main de l'équipe Hornec : celui de Francis Vanverberghe alias Francis le Belge.
Le voyou marseillais a en effet fait de Paris sa deuxième patrie depuis sa libération de prison en 1984. Le quartier qui a alors ses faveurs c'est celui de l'Etoile et des Champs-Elysées où il est domicilié. Il y tiendrait plusieurs bars à bouchons fructueux, quelques établissements de nuit, et place ses machines à sous dans les cafés de la capitale et de la banlieue, épaulé par le Marseillais Souhel Hanna-Elias dit Joël le Turc et le Parisien Philippe Ottmann dit Philippe le SS. Un conflit d'intérêt devait forcément intervenir un jour ou l'autre avec les Montreuillois... On raconte que des fidèles de la première heure des frères Hornec, Nordine Mansouri et Ihmed Mohieddine, devenus de véritables caïds dans la capitale, seraient allés semer la terreur au Diablotin avec quelques amis, un bar tenu en sous-main par le Belge, dans tout ce qui ressemble à une classique tentative de racket. D'où la probable origine d'un conflit larvé. On raconte surtout que Richard Casanova et les Bastiais de la Brise de Mer seraient allé faire une "poussette" aux Hornec, c'est-à-dire les manipuler pour les amener à tuer le Belge, permettant ainsi aux Corses d'éliminer en douce un homme qui dérange leurs affaires sudistes, notamment dans la région d'Aix-en-Provence. Mais dans ce milieu la rumeur ne dit pas toujours vrai, et il ne s'agit que d'une version parmi d'autres qui a circulé.
Ce qui est sûr c'est que le 21 novembre 2000 Francis le Belge n'est plus, abattu de sept balles de 11,43 tirées par un homme casqué dans un PMU haut-standing du 8e arrondissement, l'Artois Club. Quelques mois plus tard ses neveux, bien décidés à le venger mais mal renseignés, pensent avoir trouvé un coupable en la personne de Djilali Zitouni, voyou parisien de 45 ans spécialisé dans les machines à sous et les parties de cartes clandestines, que la rumeur avait un temps désigné. Il paye cette désinformation de sa vie le 25 juillet 2001, abattu de six balles de gros calibre alors qu'il rentre chez lui à Gennevilliers. Dans le même temps dans le Midi c'est l'hécatombe, les proches du Belge et ses anciens associés se faisant abattre les uns après les autres par les mystérieux commanditaires de l'assassinat du "beau mec" marseillais.
Le Temps de la Justice
Coupables ou pas dans cette affaire, les frères Hornec sont rattrapés par la justice dans d'autres dossiers. Outre leurs fidèles amis Nordine Mansouri, Ihmed Mohieddine et Mohamed Amimer, incarcérés au début des années 2000 pour extorsions de fonds et braquage de Brink's, c'est Marc Hornec le premier qui fait les frais de la curiosité policière. En 1995 il se met en cavale après qu'un mandat d'arrêt ait été lancé contre lui suite à la découverte d'une demi tonne de haschich dans un camion frigorifique planqué dans un box de la banlieue parisienne, faussant compagnie aux policiers venus le chercher dans une luxueuse villa de Juan-les-Pins sur la Côte d'Azur en forçant le barrage qu'ils avaient mis en place à bord d'une Porsche conduite par son frère Mario, avant de prendre la fuite... à vélo ! Il sera finalement épinglé en compagnie de son jeune cousin Fabrice le 21 mars 96 dans un hôtel d'Eurodisney où il avait rendez-vous avec les frères Lemeny "pour affaires", et condamné dans la foulée. A peine libéré en conditionnelle il recommence les larcins, et se voit de nouveau reproché un mauvais coup : le braquage en juin 1999 de quatre Algériens venus à Paris troquer leur argent contre des lingots d'or. Discrètement filochée, leur voiture fut attaquée dans une rue tranquille de Nanterre et ses occupants délestés de leurs lingots. L'affaire aurait été apportée aux Hornec par un certain Stéphane Gabard, changeur dans le quartier de la Bourse et braqueur de fourgons à ses heures perdues, proche notamment du cousin Fabrice Hornec et des frères Mohieddine, qui se joint au commando de braqueurs.
Marc est finalement écroué le 21 décembre 2002 et libéré un petit mois plus tard de la prison de la Santé, le magistrat en charge de l'affaire estimant que cette incarcération n'était pas justifiée, au grand dam des policiers (selon Franky Berens, figure du banditisme montreuillois, c'est l'avocat Karim Achoui qui leur aurait proposé de corrompre le juge pour un million de francs). Quelques mois plus tard nouveau mandat d'arrêt pour une agression à main armée commise en 2002 dans l'Isère à l'encontre d'un couple fortuné. Après sept mois de cavale Marc est arrêté en mars 2004 et libéré un peu plus tard suite au paiement d'une caution de 50 000 euros par sa famille. Laquelle avait déjà déboursé près de 250 000 euros peu auparavant pour faire libérer Marc Hornec Junior, fils de son homonyme, et James, le garçon unique de Mario, pour un trafic de voitures de luxe. Ce même James Hornec qui trouvera la mort dans la nuit de noël 2005, alors âgé de 24 ans, retrouvé avec une balle dans le dos devant l'hôpital de Bondy où il décède peu après. La police parle d'une affaire qui aurait mal tourné, voir d'un accident. Un de leur voisin de la rue des Ramenas raconte l'ambiance à ce moment dans le quartier : « J’ai découvert le poids des Hornec. Toute notre rue a été investie par des belles voitures et des centaines de gens ont défilé pendant une semaine. La mort du pape à côté, c’était rien. »
Sale temps pour les Hornec décidément. A peine deux mois plus tard la police est mise sur la piste d'un important trafic de cocaïne entre la Colombie, la France et le Royaume-Uni. En contact avec le cartel de Cali les frères Hornec et leur associé Abdelnour Mezouar, 45 ans, négocient l'envoi d'une cargaison de 136 kilos de blanche de Caracars à Orly via un vol Air France. Réceptionnée le 10 août la marchandise est planquée à Rungis et renégociée en Espagne avec d'importants trafiquants britanniques à 25 000 euros du kilo. Une fructueuse transaction qui ne pourra être finalisée du fait de l'arrestation de Mario et Jean-Claude Hornec et de leurs six complices le 15 novembre 2006 grâce à l'infiltration d'un inspecteur de police dans le réseau. Jean-Claude, l'aîné de la fratrie, est condamné à huit ans de prison et 400 000 euros d'amende tandis que son cadet Mario prend lui sept ans et 500 000 euros de prune.
Le 28 février 2008 c'est Marc Hornec qui est à nouveau arrêté avec son fils Franck dans le Val d'Oise pour divers dossiers de saucissonnages commis entre 2000 et 2002. Le procès pour ces vols, ainsi que pour d'autres affaires d'extorsions de fonds et de blanchiment d'argent, a lieu le 23 avril 2008 en Picardie et réunit une bonne partie du clan : Marc et son frère Jean-Claude, leurs cousins et neveux Fabrice, David et Jimmy, leurs beaux-frères Marc Chainey et Enrique Gimenez ainsi que la femme de Marc Hornec Lydia Chainay. A l'issue du procès Jean-Claude est relaxé tandis que Marc prend 10 ans, réduits à 4 en appel.
La dernière arrestation en date est celle de Jean-Claude, en mars 2014, qui avait été libéré deux ans plus tôt en conditionnelle. Il vient apporter une pierre inédite à l'édifice criminelle du clan Hornec : le trafic de déchets ! Un type de bizness rendu célèbre par le livre de Roberto Saviano sur la Camorra napolitaine, et que l'aîné des Hornec aura réussit à mettre en place - dans des proportions moindres bien évidemment - en banlieue parisienne. Pour se faire Jean-Claude se serait rapproché d'Habib Ben M'Hamed, un entrepreneur de 41 ans venu du midi de la France, patron de la société RTR Groupe Environnement qui entrait en contact avec des entreprises du BTP pour traiter leurs déchets, parfois toxiques, avant de les enfouir en toute illégalité sur des terrains agricoles de l'est parisien, l'aîné des Hornec et ses nouveaux associés s'imposant aux propriétaires par la corruption, la menace ou en profitant de dettes contractées auparavant. Un système relativement simple mais très lucratif - on parle de millions d'euros - le spectre du racket planant également sur cette affaire, à l'égard des entreprises de construction tout comme des gros agriculteurs. Dans le cadre du dossier judiciaire ce sont douze personnes qui sont interpellées le 7 mars 2014 dont le propre enfant de Jean-Claude, Loune, âgé de 27 ans. Le père comme le fils sont encore en attente de leur procès. Mario pour sa part se serait rapproché des frères Luc et Sébastien Szwarc (devenu son "fils spirituel" et "conseiller en affaires" selon la police), des juifs tunisiens riches à millions spécialistes de l'escroquerie haut-de-gamme, de l'arnaque à la taxe carbone aux magouilles des champs de courses en passant par le blanchiment d'argent sale.
L'aîné de la fratrie, 62 ans, est donc à l'ombre. Mario, 58 ans, a été libéré en conditionnelle en décembre 2012 grâce à des "garanties sérieuses de réadaptation sociale" et aurait été engagé comme régisseur du cirque Bouglione. Son petit frère Marc, 49 ans, a également été remis en liberté à l'issue de sa peine de prison et travaillerait désormais dans le monde des fêtes foraines avec Marcel Campion, surnommé le "Roi des Forains". Où en sont-ils donc aujourd'hui ? c'est la grande inconnue. Les Hornec ont toujours su rester très discrets jusqu'au moment où on les arrête. Sans doute qu'ils continuent de fréquenter la Côte d'Azur et la Corse comme ils l'ont toujours fait depuis qu'ils ont trois sous, les Alpes, la Savoie, la Picardie, l'Espagne, le Luxembourg, mais aussi très certainement les cercles de jeu, les grands restaurants et les concessionnaires autos. Objets de tous les fantasmes, de très nombreuses bêtises ont été dite à leur sujet depuis 15 ans qu'ils sont sous le feu des médias, et peut-être que cet article y participe également. Mais il faut dire que cette famille reste insaisissable : un jour on les inculpe pour des car-jackings minables, le lendemain on les voit en négociation direct avec le cartel de Cali. On les interpelle pour des saucissonnages bas-de-gamme tandis que dans le même temps on les aperçoit en Corse avec les barons de la Brise de Mer. On les accuse de petites escroqueries sur personnes âgés comme de braquages de fourgons blindés à plusieurs millions. Certains parlent d'une sorte de "philosophie criminelle" de leur part, tous les coups étant par principe bons à prendre, un scooter volé valant toujours mieux que celui acheté en magasin. Eux parlent d'acharnement judiciaire et se disent simples forains, ayant des parts dans la foire du Trône et dans des cirques itinérants, achetant et vendant des manèges ici et là. Bien que nous ne soyons sûrs de rien, je me permets tout de même d'en douter.
Le prochain article traitera de Nordine Nasri dit Nono le Barge, une figure du Milieu des Cités des années 90-2000, et clôra ainsi cette série d'article sur le Milieu parisien commencée avec l'article Paric 60's : au coeur du Milieu, continuée avec les frères Zemour qui permit de voir de plus près le tournant des années 60-70, avant de rentrer de plein fouet dans les décennies suivantes à travers la triolgie "Les Caïds de Montreuil" (traitant tour à tour de Titi Peltier, de Claude Genova et des frères Hornec).
Par la suite nous partirons 800km au sud et plus précisément à MARSEILLE où l'on verra de plus près les parcours croisés de trois grandes figures de la cité phocéenne : Tany Zampa, Jacky le Mat et Francis le Belge.